Valouest, une initiative bretonne pour l’économie circulaire

Valouest construit, en concertation, une réponse concrète au devenir des menuiseries extérieures en fin de vie. Erwan MONFORT, président de l’association, nous parle de cette initiative régionale mêlant insertion et économie circulaire.  202112 erwan monfort valouest3

Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter ?

Erwan MONFORT : J’ai plusieurs casquettes : je suis gérant d’un bureau d’étude fluides et thermiques que j’ai créé il y a 13 ans : Global Energie Services. Je suis président de la commission environnement et construction durable à la Fédération Régionale du Bâtiment de Bretagne, et je suis également président de l’association Valouest.

D’où est venue l’initiative de Valouest?

L’initiative de Valouest, au départ, c’est la rencontre entre une association engagée dans l’insertion à Landerneau, Relais Travail, et une entreprise de menuiserie extérieure de Ploudaniel, Axel Fermetures, qui trouvait aberrant, écologiquement parlant, que l’on continue à enfouir des millions de fenêtres en France. Pour concrétiser leur idée, ils sont venus vers un certain nombre d’acteurs du territoire dont la Fédération Régionale du Bâtiment, sachant que nous sommes assez engagés sur les sujets environnementaux.

Il faut savoir qu’au sein de la Fédération Régionale du Bâtiment, nous avions impulsé, il y a quelques années, une dynamique similaire sur le recyclage des fenêtres qui n’avait pas abouti. Cette fois-ci, l’initiative a eu plus de succès du fait de la publication de la loi AGEC sur l’économie circulaire qui introduit la REP (Responsabilité Elargie du Producteur) sur tous les matériaux de construction. Quand Axel Fermetures et Relais Travail se rencontrent, lancent l’idée de Valouest et viennent vers nous, cela se fait dans le même temps que la publication de la loi AGEC sur l’économie circulaire et que l’évolution de la société vers cette dynamique.

C’est la politique environnementale actuelle et plus précisément la mise en place de la REP bâtiment qui a permis le lancement de valouest?

La mise en place de la REP permet en effet de faire évoluer le système de financement de la filière du recyclage des matériaux de construction. Mais nous sommes également allés chercher d’autres financements auprès de la région Bretagne ainsi que de l’ADEME pour pouvoir lancer l’activité, parce qu’aujourd’hui la REP ne nous finance pas (NDLR : la REP bâtiment devrait entrer en vigueur en janvier 2023). Nous avons également pu bénéficier de fonds de dotation ainsi que d’un certain nombre de mécènes.

Est-ce qu’il y a eu des freins au développement de Valouest?

Non. On est en train de travailler avec un cabinet juridique pour transformer l’association en deux entités : l’une en chantier d’insertion pour intervenir sur le démantèlement manuel des menuiseries en atelier, l’autre en entreprise d’insertion pour assurer la collecte et la vente des menuiseries et des matériaux.

Des messages sont encore importants à passer auprès des assureurs, des bureaux de contrôle, par exemple. On a un cadre juridique et normatif en France, qui est très contraignant pour le réemploi. La première étape est de commencer à lever les freins sur ces sujets. C’est plus qu’un conseil, c’est un appel : s’ils ne jouent pas le jeu, on n’y arrivera pas. Et du côté du législateur aussi, il faut que cette dynamique se diffuse auprès du monde politique.

Aujourd’hui, comment fonctionne l’association Valouest ?

La cheville angulaire de ce projet c’est surtout Mona YVEN, qui est chargée de mission. On a également un directeur, Patrice Lamour, le directeur de Relais Travail. On fonctionne avec un conseil d’administration qui regroupe des professionnels du secteur du Bâtiment, des entreprises ou des associations du secteur du recyclage mais aussi des maîtres d’ouvrage.

Pour l’activité de Valouest, nous accueillions deux salariés en reconversion, mais rapidement, nous allons monter à six personnes. Nos deux salariés sont des personnes de Relais Travail et ce sera toujours le cas : au départ de ce type d’initiative, l’objectif pour Relais Travail est de trouver des activités qui ne rentrent pas dans le champ concurrentiel de l’entreprise privée, pour pouvoir faire de l’insertion. Donc pour eux, une initiative comme Valouest est une garantie d’avoir des heures de travail pour de l’insertion.

Nos salariés sont formés en interne, parce que c’est un métier qui n’existait pas avant, donc on ne saurait même pas où les former. On les forme à l’utilisation de l’outil de démantèlement. Par conséquent, c’est intéressant d’avoir dans notre réseau des entreprises qui travaillent sur les fenêtres : ils nous apportent des solutions techniques pour bien les démanteler. On apprend au fur et à mesure et on se perfectionne.

Aujourd’hui l’outil de démantèlement des menuiseries que nous avons développé est installé à côté de Relais Travail. Si notre activité fonctionne bien, et on l’espère tous, on risque d’être à l’étroit assez vite. Aujourd’hui, nous travaillons à perfectionner notre outil de démantèlement pour pouvoir plus tard le dupliquer, mais également d’améliorer les postes de travail. Nous avons travaillé avec l’OPPBTP sur l’ergonomie des postes par exemple.

Par rapport aux menuiseries, comment procédez-vous pour les récupérer auprès des maîtres d’ouvrage et des entreprises ?

On s’appuie d’une part sur notre conseil d’administration, qui comprends différents acteurs du bâtiment. Mona YVEN a également fait beaucoup de prospection en s’appuyant sur nos différents carnets d’adresse. On a également reçu un prix aux Trophées du développement durable en 2021, avec un petit film promotionnel qui nous était offert et qui nous aide à nous faire connaître. Et puis, via la Fédération Régionale du Bâtiment et tous les autres acteurs, on arrive à se faire connaître et à générer des flux.

Aujourd’hui quels sont vos principaux clients ?

Aujourd’hui nous travaillons surtout avec des entreprises du Bâtiment et des maîtres d’ouvrage sur des chantiers importants en termes de volume, comme les chantiers de rénovation des bailleurs sociaux par exemple. Les clients particuliers ne sont pas atteignables pour nous : parce qu’on ne peut pas aller chercher des fenêtres en diffus chez les particuliers. Mais il y a tout un tas de petites entreprises du Bâtiment qui commencent à venir vers nous en nous proposant de stocker dans leur dépôt des fenêtres déposées que nous pourrions passer chercher dans un second temps.

Nous avons également des contraintes techniques : les fenêtres d’avant 1997 avaient potentiellement de l’amiante dans le joint. Donc, par exemple, un bailleur social qui va rénover 200 logements est capable de nous garantir la traçabilité des fenêtres, de nous certifier que ces fenêtres ont été posées après 1997, et qu’il n’y a pas d’amiante dedans.

Mais finalement, un des freins principaux, ce sont les mentalités qu’il faut bouger. L’objectif pour nous c’est de convaincre des maîtres d’ouvrage mais aussi les entreprises du Bâtiment, parce que si un maître d’ouvrage n’a pas fléché ses menuiseries vers un centre de recyclage, l’entreprise est libre d’en faire ce qu’elle veut. Donc il faut aussi faire de la pédagogie auprès des entreprises : les convaincre que, plutôt que d’enfouir des fenêtres, ça vaut le coup de payer 20€/tonne en plus pour pouvoir les recycler.

Que deviennent les matériaux une fois les fenêtres démantelées ? 

Les matériaux sont revendus : le verre plat, qui est l’un des gros enjeux de notre activité, est amené sur les sites de Saint-Gobain, où il est refondu dans leurs fourneaux, pour refaire du verre plat pour des fenêtres neuves. L’aluminium et le PVC sont revendus pour recyclage. Et pour ce qui est du bois, on procède à du réemploi de la fenêtre dans son intégralité, par exemple, pour faire des mini serres de jardin pour les particuliers. On travaille également avec un ou deux architectes sur des projets de bâtiments tertiaires neufs qui intègrent des façades vitrées pour un espace non chauffé, et donc non soumis à la règlementation thermique.

Et pour l’avenir, comment imaginez-vous le développement de Valouest?

Le souhait de la région Bretagne, est que nous validions l’activité de Valouest au sein de notre secteur géographique, c’est-à-dire le Finistère nord, l’ouest des Côtes d’Armor, et que l’on puisse, à terme, essaimer notre activité, sur l’ensemble de la Bretagne, avec la création d’autres centres de recyclage. L’un des enjeux de notre activité c’est la logistique, le coût du transport : on ne peut pas aller chercher les fenêtres à 300 km du centre de recyclage, ça n’a pas de sens. Approximativement, l’idéal serait 50 km de chalandise par centre. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler avec des partenaires utilisant des transporteurs, des fournisseurs de matériaux, par exemple, qui font des voyages à vide. L’objectif est de mettre nos différentes activités en symbiose : qu’un camion de Landerneau qui part à Quimper déposer des parpaings, revienne avec des fenêtres démantelées.

Par rapport à l’évolution de l’activité de Valouest, le développement dépendra un peu de la volonté de Relais Travail. Mais au sein de la commission environnement de la Fédération Régionale du Bâtiment, nous sommes en veille pour développer d’autres filières sur d’autres matériaux. Je pense notamment aux premiers panneaux photovoltaïques, qui arrivent en fin de vie : le démantèlement d’un panneau photovoltaïque est un peu dans le même esprit que le démantèlement d’une fenêtre, peut-être plus compliqué mais pas complètement étranger non plus. Donc j’espère que les filières de recyclage de menuiseries extérieures pourront devenir des filières de recyclage de panneaux photovoltaïques. Peut-être que ça se fera en lien avec des gens comme Relais Travail, à côté de Valouest, ou peut-être avec d’autres acteurs.

Mais pour l’instant il n’y a pas d’autres projets pour Valouest. En clair : on ne fait pas de prévisions tant que l’on n’est pas sûr que le process fonctionne bien. On est quand même toujours sur une phase assez expérimentale. Il n’est pas impossible que l’on perfectionne l’outil en le mécanisant plus, mais aujourd’hui, il faudrait faire des investissements beaucoup plus lourds et que les flux soient vraiment au rendez-vous.

Quels conseils donneriez-vous aux acteurs de la construction qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure du recyclage?

Mes conseils seraient de bien identifier les marchés et de mettre autour de la table tous les acteurs de la construction. Pour nous, c’est un peu comme ça que ça a fonctionné : en s’entourant d’acteurs du secteur à tous les niveaux. Il faut vraiment que ce soit une démarche qui implique aussi bien les maîtres d’ouvrage, que les maîtres d’œuvre, les entreprises, etc.

Retrouvez plus d’informations sur le site internet de valouest : valouest.fr

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